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Tango à trois, 2023. icon

« TANGO à TROIS » est une série d’aquarelles où apparaissent un ou plusieurs nuages. Ces derniers sont constitués de lignes vibrantes, banches, grises, bleues et vertes, qui emplissent l’espace, disparaissent et réapparaissent donnant une impression de cycle infini. Les nuages sont seuls ou en groupe sur le mur ou sur le papier, dont le fond est tantôt blanc, le papier étant laissé vierge, ou noir, peint à l’encre. Chaque aquarelle avec des pigments, de l’encre et des microplastiques et selon la technique dite du mouillé sur mouillé. Cette technique consiste à peindre à l'aquarelle sur un papier humidifié.

La série s’inspire des nébulosités propres au pays des brumes, le Nebbio/Nebbiu, situé en Haute-Corse autour de Saint-Florent. Elles s’élèvent avant le lever du soleil, lorsque l’air humide remontant de la mer se mélange à celui, plus froid, descendu des montagnes. La couleur des nuages est imprégnée de cette rencontre entre les bleus de la mer et les verts de la terre où s’étendent des vignobles. La plasticienne

Maud Louvrier Clerc retransmet dans ce travail une nouvelle esthétique des nuages dont elle observe l’évolution depuis son enfance. Elle pense en connaitre la nouvelle équation. L’Homme s’est en effet invité à travers sa pollution plastique à cette danse entre la mer et la montagne. Il a changé la formule du cycle naturel de l’eau (1) en devenant un 3ème partenaire.

Les nuages, constitués de gouttelettes d’eau, sont en effet aujourd’hui aussi gorgées de microplastiques (2). Les dernières études scientifiques estiment par ailleurs que les microplastiques, polymères hydrophiles, c'est-à-dire aimant ou attirant l'eau, impactent la formation des nuages et par voie de conséquence le climat. Or la vigne est très sensible au climat. L’artiste est ainsi très attentive à ce phénomène car elle affectionne particulièrement les vins de la région de Nebbio, caractérisé par le Niellucciu, un cépage local, qui prospère sur les pentes des falaises calcaires de la région.

La plasticienne explore au travers de la série «  TANGO à TROIS » comment les microplastiques changent la forme et la couleur des nuages. Au vue d’une pollution plastique qui s’accélère, elle questionne le changement esthétique produit par l’anthropocène.

Les nuages créés tantôt sur un fond blanc, tantôt sur un fond noir, symbolisent la connaissance scientifique. Chaque nouvelle découverte, comme un lever de soleil, nous sort de l’obscurité mais nous y replonge instantanément, ouvrant de nouvelles questions. La Terre incorpore toutes nos pollutions, tous nos déchets dans ses cycles. Le plastique est ainsi intégré dans le cycle de l’eau. Selon les estimations, la production de plastique dans le monde devrait doubler d'ici 2040. Est-ce que comme pour l’esthétique des nuages, les pieds de vignes produiront des grains de raisins et donc un vin d'un goût différent ?

(1) Le cycle de l’eau est infini. L’eau des mers s’évapore dans l’atmosphère sous l’effet de la chaleur du soleil et forme des nuages, qui vont se déplacer sous l’impulsion des vents vers les montagnes. Aidées par l’effet de gravité, les gouttelettes qui constituent les nuages s’alourdissent et retombent sur le sol sous forme de précipitations (pluie, grêle, neige). Ces eaux pluviales vont permettre d’alimenter les nappes phréatiques souterraines qui vont recharger les cours d’eau, lesquels se jetteront à leur tour dans la mer. Et cela recommence.

(2) Les microplastiques – définis comme des particules de moins de 5 millimètres – proviennent de rejets industriels, de textiles ou de produits de soins personnels. Des études scientifiques attestent aujourd’hui de la présence de microplastiques au sein de l’eau de pluie. Des chercheurs américains, qui ont étudié onze zones protégées des États-Unis, ont découvert qu’il y avait par exemple plu près de 1 000 tonnes de microplastiques, soit l'équivalent de 120 millions de bouteilles, en un an. Leur étude a été publié en juin 2023 dans la revue Science. Une équipe de scientifiques japonais a elle détecté des microplastiques dans l'eau des nuages en faisant des analyses au Mont Fuji. Leur article a été publié en août 2023 par la revue « Environmental Chemistry Letters » etc. La Fondation Minderoo : vient d’ailleurs de créer un bulletin météorologique « Plastic Forecast » indiquant les quantités de plastiques allant tomber en cas de pluie : plasticforecast.com/fr/