« Tout se perd, tout se transforme » est une série de peintures sur papier mêlant aquarelle ou acrylique,
broue de noix, encre de chine et sel de mer. Sur la feuille blanche, une, deux ou trois formes rondes
sont reliées à une ou deux formes carronds à la manière de tentacules. Le carrond est la forme
d'équilibre fétiche de l'artiste, union d'un carré et d'un rond. La plasticienne met dans cette série en
mouvement des courants de pigments, bleues, rouges, noirs, auxquels elle ajoute du sel, à différents
stades d'humidité, provoquant des décolorations plus ou moins aléatoires au sein de ces formes.
L'artiste détourne la citation scientifique de Lavoisier « rien ne se perd, tout se transforme » pour lui
apporter une dimension philosophique. "Tout se perd" pour l'homme, c'est à dire tout l'environnement
qui lui a permis de se développer de manière exponentielle sur cette planète. Les formes rondes
symbolisent ici la Terre et les carronds des portes de passage. Les tentacules, elles, sont comme des
filtres, ne laissant passer que les éléments les plus résilients. Depuis sa création notre planète n'a cessé
de se transformer montrant ainsi son anti-fragilité.
Hier les premières algues ont expulsé tant d'oxygène qu'elles ont créé notre atmosphère rendant
possible l'apparition de la vie terrestre et bouleversant à jamais sa face. Ces métamorphoses qui
auparavant s'étalaient sur des milliers d'années s'opèrent sous l'action de l'homme en quelques siècles
voire décennies désormais. La plasticienne a d’ailleurs débuté sa série par les œuvres bleues, liées à
l’origine de la vie. Puis peu à peu, le rose s’est imposé reflet de l’augmentation de la température
enregistrée par les scientifiques qui alertent du danger que cela représente pour l’humanité. Car si des
espèces s'adaptent, d'autres, bien plus nombreuses, disparaissent. Le vivant évolue comme l'avait si
bien décrit Darwin. La seule certitude est que tout se perd davantage pour l'humanité, notamment le
bienfait de coexister avec une grande biodiversité et dans un climat propice à sa survie, que pour la
Nature qui, elle, évolue comme elle l'a toujours fait. Maud Louvrier Clerc évoque à travers cette série
les bouleversements liés à l'anthropocène et au réchauffement climatique.