Histoire, empreinte sociale et innovations d’une industrie textile française
« L’incroyable Alphabet » est une fresque monumentale de 3m de haut sur 18m de long. L’œuvre se compose de 6
éléments dont 2 interactifs et fait appel à trois sens : la vue, le toucher et l’ouïe. Maud Louvrier Clerc l’a élaboré dans le
cadre du concours CULTURE AU FUTUR, soutenu par la région des Pays de la Loire et coordonné l’agence CreativeTech,
dont elle est l’une des cinq lauréates. Elle forme avec l’entreprise Mulliez Flory et Polytech Angers l’un des cinq trinômes.
L’artiste a élaboré l’œuvre à partir de ses questionnements ? Combien de personnes contribuent à la création d’un
vêtement aujourd’hui ? Où sont-elles localisées ? Quelles matières premières sont nécessaires à la confection d’un
vêtement ? D’où proviennent-elles ? Que faire des déchets textiles, surplus ? Quelle innovation pour demain ? Tels des
volets de fenêtre, chaque élément de « L’incroyable Alphabet » permet au public de pénétrer au cœur d’une grande
maison, celle d’une entreprise française de textile et de découvrir ses vagues d’innovation successives. Quatre volets de
l’œuvre sont réalisés à partir des tissus, velcros, fermetures à glissière et boutons pressions couramment utilisés par
l’entreprise. Chaque volet est un carré de 3m x 3m lui-même composé de 9 carrés de 1m x1m. Pour créer un dispositif
interactif grand public, l’artiste a ajouté à deux volets des capteurs reliés à un micro-ordinateur pour déclencher suite à un
contact physique une bande sonore et un ballet photographique.
Fruit des interviews de l’artiste avec les salariés de Mulliez Flory et de son inspiration, « L’incroyable Alphabet » rend
hommage aux 200 ans d’histoire de l’entreprise, incarne son présent mondialisé et dévoile son futur en valorisant les
pratiques de développement durable dirigée vers l’économie circulaire. L’originalité de l’œuvre tient au processus
collaboratif mis en place par l’artiste avec Sébastien Lahaye du laboratoire Objets connectés à Polytech Angers et les
différentes équipes de Mulliez Flory : chargée des stocks, coupeuse, piqueuse, prototypiste, responsable fournisseurs,
acheteuse, codeuse, responsable des douanes, chef de produits, etc. L’artiste a aussi fait appel pour des rendus
techniques à une deuxième entreprise du territoire des pays de Loire : Chromatic.
L’œuvre rend visible avec l’histoire de Mulliez Flory de l’empreinte sociale de l’industrie textile et ses innovations
successives. Maud Louvrier Clerc révèle ici l’extraordinaire complexité de la chaîne humaine nécessaires à la confection
d’un vêtement jusqu’à son recyclage, permettant aujourd’hui la création d’une économie circulaire, innovante et
responsable.
Le 1er volet de « L’incroyable Alphabet », carré de 9 châssis de 1 mètre carré, déploie 4 tissus bleus et 1 tissu blanc où
sont cousus des fermetures à glissière bleus, rouges, et oranges qui se relient d’un châssis à l’autre, tantôt ouvertes,
tantôt fermées. Quelles sont les étapes de confection d’un vêtement ? Le 1er volet trace un alphabet énigmatique de
mouvements, croisements et connections symbolisant les différentes étapes de la confection du vêtement à travers les
âges.
Dans la 1ère colonne qui se lit de haut en bas, les fermetures à glissière se déploient dans un ballet vertical telles les
pluies venant gorgées la Sèvre nantaise qui coule au pied du Longeron. L’artiste y représente le courant de la rivière qui
permet d’actionner les turbines hydrauliques qui alimentaient à leur tour les métiers à tisser. Au 18ème siècle, un vêtement
était confectionné grâce aux énergies renouvelables.
Puis dans la 2ème colonne qui se lit de bas en haut, les lignes orange se multiplient. La plasticienne y symbolise la
révolution industrielle du 19ème puis la mondialisation du 20ème siècle, qui voit disparaître le tissage de l’usine en partie
réorientée vers l’ingénierie logistique. La confection des vêtements se dispersent avec des lieux différentiés pour le
tissage, le prototypage et la confection.
Enfin dans la 3ème colonne qui se lit de bas en haut, l’artiste symbolise le début du 21ème siècle marqué par la
responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Le tissu blanc du 9ème châssis en bas à droite, évoque une
page blanche, celle de l’innovation disruptive que constitue l’économie circulaire. La représentation des racines d’un arbre
entend rappeler l’importance de collaborer avec la nature, un retour à la source essentiel.
La plasticienne définit avec ce volet le développement durable comme une révélation de notre interdépendance avec la
Terre.
Le volet 2 de « L’incroyable Alphabet », carré de 9 châssis de 1 mètre carré, déploie sur 3 tissus rouges à la vertical le
nom des 354 salariés de Mulliez Flory, localisés en France et en Tunisie et à l'horizontal, le nom des pays d'où sont
importées les matières premières nécessaires à la confection d’un vêtement (tissus etc) dans le sens classique de lecture
et les pays où l'entreprise exporte ses vêtements dont la lecture du mot du pays de droite à gauche comme en langue
arabe (exemple adanac pour Canada). Quelle est le visage de la mondialisation textile aujourd’hui ?
Le 2ème volet rend tout d’abord hommage aux métiers historiques de Mulliez Flory, le tissage. En effet le nom des salariés
représente le fil de chaîne et le nom de pays des import-export est le fil de trame. Les navettes des métiers à tisser de
jadis ont en effet été remplacée par les navettes de la mondialisation. Le rouge est un clin d’œil à la couleur du logo de
l’entreprise.
Ce volet est interactif. Le public est invité à toucher le tissu, c’est-à-dire à entrer en quelque sorte en contact avec les
salariés qui fabriquent les vêtements. Loin de l’anonymat qui a parfois fait oublier la valeur du travail derrière la recherche
d’un prix toujours plus bas, l’artiste souhaite revaloriser le travail ces hommes et ces femmes qui se cachent derrière
chacun de nos vêtements.
Le volet 3 de « L’incroyable Alphabet » présente un carré de 1 mètre carré, où se déploie les photographies des mains
des salariés de Mulliez Flory, dont l’affichage répond aux touchers des visiteurs du volet 2. Combien de personnes se
cachent derrière un vêtement ?
Le 3ème volet rend compte de la chaîne humaine, qui passe par une main saisissant son téléphone pour prendre un
rendez-vous client, appeler un fournisseur, passer un ordre d’achat, une main pianotant sur un clavier d’ordinateur pour
valider une commande, prototyper un modèle… mais aussi d’une main coupant un tissu, piquant une fermeture éclair,
emballant un vêtement…
L’action du spectateur sur ce volet créé une composition aléatoire d’un ensemble de photos, dévoilement de la
Manufacture en action. Y’a-t-il une main plus importante qu’une autre ? Le succès ne réside-t-il pas dans une simple
coordination de toutes et tous ?
Le volet 4 de « L’incroyable Alphabet », carré de 9 châssis de 1 mètre carré, présente sur 2 tissus bleus des inscriptions
blanches sérigraphiées en ligne et colonnes. Comment s’articule la collaboration dans nos entreprises aujourd’hui ?
Reprenant le motif en armure traditionnel du choletais, sont inscrits en vertical pour le fil de chaîne, un lexique de l’univers
du vêtement et de la confection cocréé à la demande de l’artiste par un groupe de salariés de Mulliez Flory via un document
partagé. Comme nouvelle Matrice, la collaboration devient le nouveau fil de chaîne… A l'horizontal, pour le fil de trame,
les codes des matières premières B0053 JHV, 53 indique ici par exemple la couleur du tissu, JHV un jaune haute visibilité
(soit fluo) etc
Les deux bleus symbolisent le double territoire de l’entreprise aujourd’hui, en France pour la partie siège et prototypage
et en Tunisie pour la partie production.
Le volet 5 de « L’incroyable Alphabet », carré de 9 châssis de 1 mètre carré, présente sur 1 tissu jaune fluo des fermetures
à glissière bleues. Il est interactif et déclenche le volet 6. Qui est le chef d’orchestre du développement durable ?
Ce volet est interactif. L’ouverture des fermetures à glissière déclenche une bande sonore pour un temps donné et
réciproquement pour leur fermeture. Le spectateur a l’occasion de devenir chef d’orchestre afin de composer sa propre
partition. En effet, 17 fermetures à glissière sont reliées à des nappes sonores qui vont débuter ou s’interrompre fonction
de l’action du public.
Ce volet illustre qu’à chacun de nos actes d’achats et à commencer par nos vêtements, nous pouvons devenir acteurs du
développement durable : du choix d’un tissu issu de l’agriculture biologique, à celui du type de matière peut être en lien
avec la consommation d’eau nécessaire à sa croissance (par exemple lin versus coton), mais aussi de la manière dont il
a été fabriqué c’est à dire les conditions de travail des salariés etc
Le volet 6 est une bande sonore déclenchée par l’action du public sur le volet 5. Le bruit des machines à coudre, camions
et téléphones etc se mêlent à celui de la Sèvre nantaise et des oiseaux, pour une nouvelle alliance.