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Expositions personnelles - White Room Gallery, Paris.

Vous connaissez sans doute Le Corbusier, Renzo Piano ou Tadao Ando. Mais connaissez-vous Diatomée,
Zooxanthelle ou Phéophycée ? Ces dernières transforment pourtant, chaque jour, bien plus notre
monde que tous les architectes ont pu le faire durant l’histoire de la civilisation. Les diatomées par
exemple sont des microalgues unicellulaires qui génèrent un quart de l'oxygène de notre planète et les
zooxanthelles des microalgues photosynthétiques qui vivent en symbiose avec d'autres organismes,
comme les coraux, à qui elles fournissent carbone et nutriments.


Maud Louvrier Clerc entend, à travers son exposition « Les Architectes », questionner la manière dont
le vivant, humain et non humain, transforme l’espace qui l’entoure. L’artiste sera présente chaque jour
ayant décidé d’immerger le public dans ses recherches sur les microalgues, en y installant un espace
de travail éphémère où un microscope permet de les observer de plus près.


Les 7 caractéristiques du vivant sont l'organisation en cellules, les échanges avec le milieu, la réaction
aux stimulus, la croissance réparation, l'adaptation et la reproduction. Les questions de matières et
d’énergie y sont centrales, car la vie ne saurait être conçue sans un flux ininterrompu de matière et
d’énergie.


Pour construire son monde, l’humanité a créé depuis le néolithique des liants. « La disparition du
sable » est provoquée par l’un d’eux, le ciment qui en nécessite près d’un tiers pour sa composition.
Elle a ensuite défié la gravité en créant des maisons pour « arrondir les angles », des temples et des
gratte-ciels. Allant même jusqu’à marcher sur la Lune et explorer l’Univers. Vue de l’espace, cela lui a
permis de découvrir l’unicité de son habitat, la Terre. Maud Louvrier Clerc vous invite à ressentir cet
effet de surplomb au travers de son tapis « Au premier regard » et de sa performance éponyme, un
voyage polysensoriel participatif. « Respirer profondément et visualiser la splendeur de l’océan, la
majesté des forêts, la douceur des déserts et au sein de ces écosystèmes, la vie qui y prolifère, foisonne,
coopère.»


Alors que la croissance de notre civilisation nécessite toujours plus de matières et d’énergie, les grands
architectes de la planète, les microorganismes, les utilisent avec efficience. Invisibles à l’œil nu, les
transformations qu’ils produisent s’opèrent à une autre échelle spatiale et temporelle que la nôtre. La
série « Tout se perd, tout se transforme » en donne un exemple avec la photosynthèse des
cyanobactéries qui a permis la création de notre couche d’ozone en transformant le gaz carbonique en
oxygène il y a 3,8 milliards d’années. Cela a radicalement changé le visage de notre globe permettant
le passage de la vie aquatique au milieu terrestre. Après l’océan, la forêt est ainsi devenue une nouvelle
maison pour le vivant, tel que l’évoque la niche en bois « Au Centre de l’Attention ». Celle-ci reprend la
forme fétiche de l'artiste : « le carrond », fusion amoureuse d’un carré et d’un rond, symbolisant une
symbiose.

La symbiose est une association biologique, spécifique et durable, entre deux organismes vivants. La
planète réagit aujourd’hui à notre présence en construisant un nouvel équilibre dont nous ne pouvons
qu’esquisser les contours. « Hémimétabolie » en révèle une : l’augmentation de la température de l’eau
et son impact sur les récifs coraliens. Si l'architecture humaine gagne des batailles dans des territoires
où la nature a moins d'énergie pour la contrer, Gaïa, l’organisme Terre, poursuit son auto-régulation
permanente. Cette hypothèse est fondée dans les années 1960, par le chimiste James Lovelock, avec
l'aide des travaux de la biologiste Lynn Margulis. La vie sur Terre est rendue possible par une
communauté d'organismes selon un système autonome. Tout en faisant l’objet de controverse
scientifique, l’hypothèse Gaïa irrigue depuis les pensées écologiques contemporaines. Pour le
philosophe Bruno Latour, elle serait aussi disruptive que l’héliocentrisme défendu par Galilée !


Pour prendre le temps d’y réfléchir, la designer vous convie à vous asseoir sur le fauteuil « The Break »,
où vous pourrez laisser filer votre imagination devant les dunes de sable de la série « Dommages
esthétiques ». Les œuvres de cette dernière série sont réalisées à partir de feuilles de bois transformées
par des champignons microscopiques lignicoles. Contrairement aux champignons lignivores qui
peuvent se nourrir d’une charpente et sont la hantise des architectes, ces champignons lignicoles, dits
de discoloration, ne dégradent pas la membrane des cellules du bois. Ils en provoquent juste
l’échauffement, se traduisant par des dommages esthétiques.


Le bois devient veiné, flammé, moiré, bariolé. Elle en admire la beauté mais y voit aussi l’illustration
d’un processus naturel, à la fois efficace et économe. Son utopie personnelle serait de réaliser avec ces
champignons lignicoles des décors monumentaux intégrés à des façades ou murs de maisons ou
d’immeubles en bois.


A travers cette exposition, Maud Louvrier Clerc entend ouvrir une réflexion sur un changement
d’attitude face à la puissance des processus naturels. Au lieu de lutter contre ou de tenter de les
reproduire, elle nous invite à imaginer les incroyables potentialités que nous offrirai une collaboration
symbiotique avec eux via l'efficience énergétique associée.